Interview de Prof. Marc Ansari

2018

Interview du Prof Marc Ansari (en anglais seulement) sur la médecine personnalisée et les thérapies individualisées pour guérir du cancer.

The genetic route to chemotherapy

Sometimes the best high tech solutions are the ones that make old technology better.

Take cancer treatment.

At Geneva University Children’s Hospital, Professor Marc Ansari is using cutting edge gene sequencing tools to create individual genetic profiles for cancer patients. His aimis to make sure that each patient has an individualised cocktail of traditional drugs to ensure maximum effectiveness.

Fundamentally, most established cancer-fighting are very effective. The problem is how – and in which dose – to administer them.

And getting this right matters.

Ballpark figures suggest that between a third and a half of people in developed countries will suffer cancer at some point in their lives, while globally, cancers account for more than 16 per cent of deaths. 

Chemotherapy, for example, often comes at an unpleasant cost to the patient: fatigue, hair loss, nausea and infections are routine complications. Minimising the side-effects while maximising the effectiveness of cancer-fighting drugs necessitates getting the dosages just right.

This is where Ansari’s genetic-inspiredtechniques can help.

Therapies need to be made bespoke because different people react differently to the treatmentson offer. Some patients are highly susceptible to the drug regimen’s toxic effects.  Others have ahigher tolerance or process the chemicals rapidly, making normal doses less effective.

“There is too much toxicity in some people, while other people show resistance,” Anasari says.

Meanwhile, how the cancerous cells themselves react to the treatment will also vary.

So, to design the perfect treatment regimen, Ansari’s team analyses the genetics of both the healthy and diseased cells of patients.

“We have to identify which patient has which gene,” he says.

All this hinges on the buildingof database that catalogueshow individuals and cancerous cells with different genetic make-ups have responded to treatments in the past.

To that end Ansari’s organisation, CANSEARCH research laboratory, which runs research projects based at the Geneva University Hospital, has opened studies in more than 20 countries to collect as much DNA evidence as possible. They gather together DNA from across populations – people of different races often have differing responses to a given medication – and from homogenous populations with the same disease – to check how much of a genetic factor affects responsiveness to the given drugs.

“It’s quite simple to identify which patient has which gene and therefore which gene will code for which enzyme and then to see the exact dose we will have to give to the patient,” he says. “What is difficult to see is what’s going to be the cocktail to use, the type of chemotherapy drug. The precision is not only about one drug, but maybe about different drugs that we put together in order to kill that [cancer] cell.”

Developing a comprehensive database is critical to getting the best course of treatment quickly – and speed is particularly of the essence when it comes to treating children.

“Kids are constantly growing so their cells are multiplying very quickly meaning that the cancer development is very, very fast. When kids arrive at the emergency unit we have to very quickly start chemotherapy in order to control the disease,” according to Ansari.

For pharmaceutical companies, the major obstacle to  individualising medicine with existing drugs is cost. Such treatments in childrens don’tgenerate much in the way of additional revenues. Which is why this sort of research is dependent on charities and public bodies, Ansari says.

There is, of course, also a role for entirely new approaches. For instance, Ansari’s team also uses a treatment that alters the genes in one type of a patient’s immune cells so that they will target the cancerous cells.

“It’s called the CAR-T cell, the chimeric antigen receptor T cell. The genetics of your immune system is modified, injecting a virus into some of your cells. The new cells will express a receptor that will target the markers that are at the surface of a cancer cell, in order your immune system will kill the cancer cell,” he says.

The cancer cells often have specific molecular markers on their surface that the modified immune cells then attack.

Unfortunately, this isn’t a magic bullet just yet. As with conventional drugs, modified immune-system cell treatments that target cancers can also have nasty side-effects – in this case they can end up attacking healthy tissue that has the same molecular flags as the cancer, triggering toxicities.

But treatment is constantly being developed and refined.

“Technology is improving all the time so we have more tools in order to analyse and to go further and to answer better” the questions posed by cancer, Ansari says. And the tools will come as a portfolio of treatments rather than as single drugs. “The precision medicine we think nowadays is still a one dimensional medicine whereas probably in a few years it will be multidimensional.”


2015

Marc Ansari, au nom des enfants cancéreux

Responsable de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique aux HUG, le médecin estime qu’on peut mieux faire pour améliorer le sort des enfants cancéreux, notamment en accélérant la recherche et en imaginant des traitements sur mesure. C’est pourquoi cet humaniste a créé la Fondation CANSEARCH.

«Dis-moi, est-ce que je serai encore malade quand je serai là-haut?». C’est l’une des phrases qu’a notée dans son calepin Marc Ansari, professeur des Hôpitaux universitaires genevois (HUG), responsable de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique. Une façon de ne pas oublier les enfants qu’il soigne. Parmi les mots qui l’ont touché, il y a ceux d’Anthony, 15 ans, souffrant d’une tumeur osseuse stade terminal. «Bon Marc, ça suffit, je veux mourir maintenant». Ou cette requête de Leila, décédée à l’âge de 4 ans et 3 mois: «J’aimerais avoir des cheveux longs comme maman».

Le contact avec de jeunes patients atteints d’un cancer font partie de son travail quotidien. Près de quarante à cinquante enfants sont traités chaque année aux HUG. Un chiffre stable mais avec une nette amélioration des taux de guérison. «Notre unité comprend huit chambres qui sont pleines à craquer, précise Marc Ansari. Guérir d’une leucémie, d’une tumeur cérébrale ou d’un lymphome était difficilement imaginable il y a 50 ans. Aujourd’hui nous pouvons guérir plus de 80% des enfants cancéreux, et plus de 90% de certains types de leucémie.»

Or, ces chiffres ne sont pas satisfaisants pour ce médecin de 43 ans. Il a ainsi créé la fondation Cansearch en 2011 dans le but d’accélérer la recherche en oncologie pédiatrique. «Les cancers de l’enfant restent des maladies rares qui n’intéressent pas particulièrement l’industrie pharmaceutique car ils constituent 1% de la totalité de tous les cancers, adultes et enfants confondus», constate-t-il.

Thérapies mieux ciblées
En novembre dernier, près de 850 personnes ont répondu présent à l’invitation de Cansearch. Organisée à l’Arena à Genève, la soirée a permis de réunir 850000 francs. Ce montant permettra de poursuivre les activités de la fondation. Celle-ci a déjà donné naissance à une plateforme de recherche d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, conjointe à la Faculté de médecine et aux HUG. Elle réunit une dizaine de chercheurs qui veulent découvrir des thérapies mieux ciblées et moins toxiques. «Certains patients ont besoin d’une transplantation de cellules souches et doivent d’abord subir une chimiothérapie intensive. Environ 10% des enfants ne survivent pas à la toxicité de la chimiothérapie. De plus, les conséquences de ces traitements peuvent être dramatiques, avec des problèmes cardiaques, pulmonaires ou d’ordre cérébrales», explique le spécialiste.

En 2013, l’équipe de l’oncologue a débuté une étude mondiale visant à séquencer le génome de tous les enfants greffés avec une leucémie afin d’étudier les interactions entre différents gènes et les médicaments. L’équipe de Marc Ansari cherche à comprendre comment les enfants métabolisent ces traitements très lourds. «En fonction du profil génétique, nous anticipons la toxicité engendrée par les médicaments et pourrons ainsi modifier le dosage en matière de chimiothérapie et améliorer le taux de survie des patients.»

Presque chaque enfant qui entre aux HUG est mis sous protocole de recherche. Un profil génétique est automatiquement effectué sur chacun d’entre eux devant recevoir une transplantation de cellules souches. «L’objectif est d’arriver à une thérapie individuelle où l’on prescrit la bonne dose, ajustée selon l’âge, le poids et le profil génétique», explique le spécialiste. Dans son portefeuille, Marc Ansari possède d’ailleurs sa propre carte contenant son profil pharmaco-génétique. «J’ai une activité ralentie au niveau du cytochrome CYP2B6. Je sais que je métabolise mal une chimiothérapie comme la cyclosphosphamide ou l’aspirine», note le médecin qui a lui-même connu de graves problèmes de santé il y a une année en montant sur un glacier.

Contact quotidien avec ses patients
Père de deux filles, âgées de 10 et 12 ans, et marié depuis 25 ans, Marc Ansari dit puiser ses ressources auprès de sa famille avec qui il n’évoque jamais ses patients. «J’épargne ma femme et mes enfants qui me donnent la force dans mon travail.»

Né à Genève, Marc Ansari n’aime pas parler de lui et encore moins évoquer ses souvenirs d’enfance. Sa mère vendait des tapis alors que son père étudiait. Le couple a divorcé alors qu’il était encore très jeune. Quant à sa scolarité, elle avait mal démarré. «J’ai redoublé ma troisième primaire car je ne savais pas lire», laisse-t-il échapper.

Adolescent, il anime des camps, notamment pour jeunes handicapés. C’est peut-être à ce moment-là de son existence que germe l’idée de soigner des enfants. Il décide pourtant de devenir instructeur de plongée et quitte la Suisse pendant une année pour vivre sa passion.

Il rentre néanmoins en Suisse pour reprendre ses études et choisit dans un premier temps la biologie. A 23 ans, il bifurque vers la médecine tout en enchaînant les petits emplois. Détenteur de bourses mais également présentateur d’émissions jeune public à la RTS, moniteur de plongée ou travaillant dans le marketing pour un laboratoire pharmaceutique, il part, au terme de son diplôme, trois ans à Montréal pour se spécialiser dans l’onco-hématologie.

Chercheur, Marc Ansari n’en reste pas moins un clinicien. Il accompagne et entretient un contact quotidien avec ses jeunes patients. «Le dialogue et le contact avec les parents est fondamental. Lors de l’annonce de la maladie, l’enfant est rarement présent dans un premier temps car il aurait tendance à se sentir coupable en voyant ses parents pleurer.»

Si les enfants sont généralement bien pris en charge, distraits et occupés au sein de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique, la situation est plus compliquée pour les familles. «Beaucoup de parents divorcent lorsqu’ils font face au cancer de leur enfant», constate le médecin. Une leucémie, c’est deux à trois ans de traitements avec souvent de longues semaines d’hospitalisation. Pourtant, un employé n’a droit qu’à trois jours de congé payé par année. Ainsi, un des deux parents doit souvent s’arrêter de travailler ce qui entraîne une baisse des revenus. A cela s’ajoutent, l’angoisse et la perte de sommeil.

«Quant aux frères et sœurs de l’enfant malade, ils paient un lourd tribut. Leur entourage a tendance à les oublier», rappelle Marc Ansari qui insiste sur une prise en charge multidisciplinaire des cancers de l’enfant. «Nous devons disposer de beaucoup plus de moyens», dit-il tout en se réjouissant de la multiplication des fondations qui se créent autour de ces maladies pédiatriques.

 

Article de Ghislaine Bloch pour Le Temps (30/11/2015)

Retrouvez également l’article sur le site letemps.ch

 


2013

L’interview «Huit enfants sur dix guérissent du cancer»

Il les appelle «les enfants de l’ombre». C’est pour eux, les enfants atteints de cancer, que Marc Ansari s’active. Recherche, clinique, quête de fonds : le médecin quadragénaire est sur tous les fronts. Samedi, une soirée de gala organisée par la Fondation Dubois-Ferrière Dinu Lipatti permettra de récolter des fonds pour soutenir un de ses projets de recherche.

Alors que le cancer de l’enfant intéresse peu les groupes pharmaceutiques – les cas restent rares – et que l’argent public manque, les chercheurs doivent de plus en plus se tourner vers le privé. Fin 2011, ce  pédiatre formé à Genève et à Montréal a créé une plateforme de recherche en hématologie et oncologie pédiatrique, qui réunit des chercheurs d’horizons différents. Avec un objectif: parvenir à un traitement individualisé du cancer, plus efficace et moins toxique pour les enfants.

TdG : Combien d’enfants malades du cancer soigne-t-on à Genève?

Dr Ansari : Chaque année, à Genève, une trentaine d’enfants sont diagnostiqués avec un cancer ; nous avons en permanence 8 à 10 enfants hospitalisés ; 80% d’entre eux guérissent. Pour certaines leucémies, ils sont plus de 90%, ce qui représente un progrès fantastique, car ils étaient moins de 60% dans les années 70. Mais, aux HUG, des enfants meurent quand même chaque année. Il arrive que le traitement ne fonctionne pas ou qu’il y ait des rechutes. Parfois, pour certains types de cancer, on sait d’emblée que nous ne pouvons rien faire.

TdG : Quel est l’objectif de la recherche aujourd’hui?

Dr A. : Le but est de comprendre ce qui peut sauver les enfants qui rechutent. A Genève, nous avons la chance énorme de participer à des programmes de recherche internationaux. En Suisse, 200 nouveaux cas par an de cancer de l’enfant se déclarent chaque année. Cela ne permet pas d’avoir un pouvoir statistique suffisant pour faire évoluer la recherche. C’est pour cela que nous travaillons avec l’Europe et les Etats-Unis. Nous réfléchissons aux protocoles ensemble et l’analyse des résultats permet d’améliorer les traitements. C’est une chance incroyable pour la Suisse de faire partie de ces réseaux.

TdG : A Genève, vous avez créé une plateforme de recherche multidisciplinaire.

Dr A. : Oui. Fin 2011, nous avons créé une plateforme de recherche qui s’intéresse à la génétique du cancer. Elle développe actuellement une dizaine de projets. Médecins, biologistes, pharmacogénéticiens, biostatisticien, immuno-infectiologues, bioinformaticien : nous avons recruté des personnes en Inde, en Angleterre, en Italie, en France. Cette diversité de formations permet d’analyser un même problème sous un angle à chaque fois différent. C’est extrêmement important.

TdG : En quoi cela est-il nouveau?

Dr A. : Sans argent privé, ce montage aurait été impossible. Avec des amis, nous avons monté une fondation, CANSEARCH, et trouvé de l’argent auprès de donateurs privés, principalement genevois, dont la fondation Wilsdorf. Les comptes sont contrôlés par une fiduciaire privée. La fondation est indépendante de l’Université et des HUG mais travaille en partenariat avec eux. Un conseil scientifique composé de grands experts.

Interview réalisée par Sophie Davaris pour La Tribune de Genève (01/05/2013)

Retrouvez également l’article ainsi que la vidéo de l’interview sur le site de La Tribune tdg.ch