h) Prédiction des interactions médicamenteuses pharmacocinétiques en oncologie pédiatrique (Projet PIMPOP)
Les interactions médicamenteuses surviennent lorsque certains médicaments incompatibles interagissent entre eux, affectant ainsi leur efficacité ou leur toxicité. Dans ce scénario, un médicament (l’« auteur » de l’interaction) peut altérer l’effet d’un autre médicament (la « victime »), le rendant soit moins efficace, soit plus toxique. Ces interactions peuvent altérer la pharmacocinétique, c’est-à-dire, la manière dont les médicaments sont absorbés, distribués, métabolisés et éliminés par l’organisme, ce qui entraîne des variations dans les niveaux sanguins du médicament « victime ». Étant donné que ces niveaux sanguins sont étroitement liés aux effets thérapeutiques ou toxiques du médicament, il est crucial de prévenir et d’ajuster le traitement en conséquence.
Les enfants hospitalisés en oncologie pédiatrique sont fréquemment traités avec plusieurs médicaments, augmentant ainsi le risque d’interactions médicamenteuses. Bien que ces interactions soient bien connues, les outils informatiques utilisés pour les détecter parmi la liste des médicaments administrés aux patients, fournissent trop peu souvent des recommandations pratiques exploitables pour l’adaptation des traitements, en raison du manque de données cliniques. De plus, les enfants sont généralement exclus des études cliniques sur les interactions médicamenteuses pour des raisons éthiques, ce qui signifie que les connaissances sur ces interactions se basent principalement sur des données provenant d’adultes. Enfin, l’impact de ces interactions peut varier selon l’âge et les variants génétiques des enfants, ce qui ajoute une complexité supplémentaire à leur gestion clinique.
Les techniques de modélisations pharmacocinétiques ont révolutionné la prédiction des interactions médicamenteuses. Les modèles de pharmacocinétiques basées sur la physiologie sont des outils mathématiques complexes qui intègrent les données expérimentales sur les propriétés physico-chimiques et pharmacocinétiques des médicaments, ainsi que les connaissances sur l’anatomie et la physiologie des patients. Ces modèles permettent de simuler l’ampleur des interactions médicamenteuses et ainsi recommander des ajustements thérapeutiques tels que des modifications des doses ou des modifications des temps d’administration des différents médicaments, même en l’absence de données cliniques directes. Effectivement, ces études basées sur des simulations offrent une alternative sûre et éthique aux études cliniques impliquant des patients. En utilisant ces modèles, nous pouvons évaluer virtuellement les interactions médicamenteuses sans risque pour les patients. Cela évite non seulement les dangers potentiels associés à l’exposition à des médicaments incompatibles, mais cela permet également d’économiser du temps et des ressources. En outre, cette approche contribue à réduire le fardeau des essais cliniques sur les populations vulnérables telles que les enfants atteints de cancer, tout en fournissant des informations précieuses pour améliorer leur prise en charge médicamenteuse.
Notre objectif est d’utiliser la modélisation pharmacocinétique basée sur la physiologie pour prédire l’ampleur des interactions médicamenteuses chez les patients pédiatriques atteints de cancer. Pour atteindre cet objectif, nous recueillons de la littérature et à partir d’expériences in vitro, des données expérimentales pharmacocinétiques sur les médicaments fréquemment administrés aux enfants atteints de cancer, tels que la vincristine, la ciclosporine, la fludarabine, le busulfan, le posaconazole, etc. En utilisant ces données, nous développons des modèles de pharmacocinétique basés sur la physiologie qui intègrent des paramètres physiologiques spécifiques aux enfants. En appliquant ces modèles à différentes combinaisons de médicaments, nous pourrons prédire les interactions médicamenteuses potentielles et identifier les situations où des ajustements thérapeutiques sont nécessaires. Des simulations de l’impact de l’âge et des variations génétiques sur l’ampleur des interactions nous permettront d’identifier des sous-groupes de patients pour lesquels certaines combinaisons de médicaments peuvent être particulièrement risquées ou nécessiter des ajustements spécifiques. Cette approche nous permet d’anticiper les défis liés à la prise en charge des enfants atteints de cancer et de proposer des recommandations cliniques aux professionnels de santé pour optimiser les traitements des patients pédiatriques.